Les passagers et l’équipage
de l’Ethie eurent une expérience affreuse
Les conditions particulières
concernant la perte du S.S. Ethie démontrent que l’une des pires
tragédies dans l’histoire [sic] du pays fut évitée seulement par le sang
froid et le courage imperturbable du capitaine Edward English et le
dévouement à la tâche de son équipage héroïque. Le Ethie a quitté Cow
Head mercredi à 16h00 et peu après, est entré dans le gros de la tempête
qui fut détournée du sud ouest vers le nord ouest et les vents ont
atteint des forces d’ouragan, accompagnés de rafales de neige
aveuglantes. La seule option qui leur restait face à de telles
conditions était de diriger le navire en direction opposée de la côte
pour éviter l’affreux danger que représentait le rivage sous le vent
dans une telle tempête.
On a avancé à pleine puissance
durant toute la nuit de mercredi alors que la mer nous engouffrait, du
gaillard avant au tafrail [sic], retournant le navire à une fréquence
qui le gardait submergé la majorité du temps. À la levée du jour, la
terre était bien visible du bâbord et le capitaine s’est rendu compte
que pendant la longue nuit affreuse qu’ils venaient de passer, malgré la
pleine force des engins, ils ne s’étaient pas déplacés plus d’un mile
depuis la tombée de la nuit précédente. Le vent avait maintenant pris
plus de force et le thermomètre indiquait zéro. Le navire complet, de la
ligne de flottaison aux têtes des mâts, était recouvert de glace, le
pont ayant une couche de glace qui montait presque jusqu’aux
bastingages. Rien de mobile ne restait sur le pont, les bateaux de
sauvetage étaient en morceaux et complètement gelés dans les cales. Les
écrans météo du pont et des parties de la structure du pont permanent
étaient arrachés, les fenêtres et les portes des salons se fracassaient
tandis que le navire forçait à travers cette mer montagneuse. Se rendant
compte des conditions affreuses, le capitaine est descendu et à fait
appel aux pompiers et aux ingénieurs, pour lutter désespérément à forcer
le navire quelques miles le long de la côte dans l’espoir de passer le
promontoire accidenté qui se trouvait à l’abri du vent qui était leur
seule possibilité de sauvetage maintenant qu’ils allaient inévitablement
s’échouer.
Il avait été sur le pont pendant
douze heures à l’exception de quelques pauses courtes. Sortant de la
salle de moteurs, il est passé par le salon et les cabines secondes pour
encourager les femmes et les enfants terrifiés et les autres passagers,
et est retourné sur le pont. Les grands vents semblaient augmenter avec
le soleil montant et le navire n’a fait que peu de progrès le long de la
côte rocheuse à quelques miles de l’abri du vent, où la mer éclaboussait
à des centaines de pieds de haut et où une destruction instantanée
attendait le navire et ses occupants s’il ne pouvait pas le résister et
se rendre autour de la pointe à cinq miles de là.
Tous les pompiers et les
ingénieurs se sont mis au travail, assistés par des matelots comme seuls
les matelots de Terre-Neuve peuvent se mettre au travail quand ils font
face à de telles conditions. Personne ne pouvait rester sur le pont sous
la passerelle pendant les cinq heures affreuses suivantes qui ont été
passées à lutter pour survivre sur le bord à l’abri du vent à bord d’un
navire pratiquement sans défense. Lui allouer de se placer
perpendiculairement au vent et à la mer voulait dire une destruction
instantanée pour le navire alors il devait être gardé en ligne avec la
mer, tout en essayant d’avancer le long de la côte afin de dépasser la
pointe connue comme Matin Point au sud de laquelle se trouvait l’anse
qui permettrait peut-être, avec beaucoup de chance, de sauver ceux à
bord.
Heure après heure passait tandis
que le petit navire chancelait le long de la côte sous un ouragan qui
s’empirait, se rapprochant peu à peu de la côte accidentée sur laquelle
la mer montagneuse s’éclaboussait, y envoyant des embruns avant qui y
arrivent les vents. La côte entière était une masse de glace des sommets
des falaises au rivage. Par moment, il semblait que leurs efforts
seraient vains mais, une accalmie leur redonna espoir et ils foncèrent
vers l’avant et s’éloignèrent un peu de la côte.
De cette façon, le petit bateau à
vapeur a lutté vers son but qui fut atteint peu après midi. Ça dépendait
alors du capitaine de prendre l’élan qui représentait la vie ou la mort
pour ceux à bord. Jaugeant les chances avec l’une des plus grandes
exactitudes, le capitaine English s’y est lancé. Ayant contourné la
pointe, il a fait face aux vents et s’est lancé dans l’anse nommée
Martin’s Point, exposant le navire de face à la rive rocheuse. Le navire
a frappé durement, s’est arrêté pour une minute ou deux et, la mer s’est
rompue sur l’arrière du navire, le balayant sur toute sa longueur et,
aussitôt il était soulevé et entraîné le long de sa longueur, en
direction de la côte, inclinant fortement vers la bâbord et coincé
solidement parmi des roches. Même à ce moment, la sécurité ne semblait
pas plus près pour les passagers anxieux et la scène qui se présentait
alors que la mer montagneuse baignait le rivage et se retirait sous
forme d’écume en ébullition, le vent à son plus fort alors que les
rafales de neige ne permettaient pas, par moment, de voir plus loin qu’à
quelques verges. Il n’y avait aucun bateau à lancer à l’eau et même s’il
y en avait eu, ils auraient été complètement inutiles. Le capitaine
English a conféré avec son équipage quant à se qui pourrait être fait
ensuite et des bénévoles se présentaient pour essayer de rejoindre la
rive à l’aide d’une corde. Ceci fut, heureusement, pas nécessaire
puisque les résidents d’un établissement sont apparus sur la rive de
l’intérieur du navire, signifiant leur empressement d’aider. Des lignes
attachées à des bouées vides ont été lancées et sont arrivées rapidement
au rivage, les hommes sur terre ont fixé les cordes et, ceci veut dire
qu’un câble fut tiré du navire et attaché à la falaise en haut. Alors,
une chaise de maître d’équipage (boatsawain’s chair) fut
construite et le travail de sauvetage débuta. Femmes et enfants furent,
un par un, placés sur cette chaise et sûrement transférés à la rive
grâce aux efforts joints et courageux des marins et des résidents. Les
passagers mâles ont suivi et finalement l’équipage, le capitaine étant
le dernier à prendre sa place dans la chaise pour être transporté
jusqu’à la rive.
Un enfant de deux ans fut placé
dans un sac à courrier et pris dans les bras d’un homme et l’enfant ne
démontre aucun mauvais effet suite à l’épreuve. Il y avait soixante-deux
passagers et quatorze membres de l’équipage avec les commis de courrier
et commissaires de bord et ils y ont tous échappé sans blessures à
l’exception d’engelures et d’ecchymoses…
The Evening Herald
Le 17 décembre 1919 |