Le début
de la pêche littorale
Depuis le début du seizième
siècle. Les hommes ont pêché les Grand Banks, recherchant leur richesse
en vie. Les premiers à pêcher ces eaux furent des Européens, attirés de
l’autre bord de l’Atlantique par des rapports faits par des explorateurs
de poissons si nombreux qu’ils pouvaient être sortis de l’eau en y
passant un panier.
Par contre, ce n’est que depuis
1813 qu’on ne peut techniquement dire que Terre-Neuve a poursuivi une
pêche littorale. Cette année-là, Sir Richard Keats, le gouverneur de
Terre-Neuve, a donné un ordre, au nom du gouvernement maison
(britannique) qui permettait aux gens de s’établir à volonté sur l’île.
Avant cette importante déclaration, les pêcheurs anglais, sous le
contrôle des puissants marchands du West Country, étaient venus à
Terre-Neuve à chaque printemps, devant retourner en Angleterre à chaque
automne avec leur poisson. Bien qu’ils recherchaient principalement de
la morue, les rapports de l’époque indiquent que plus de vingt-cinq
espèces étaient prises lors de ces voyages.
Les Anglais, par contre, n’étaient
pas seuls dans les eaux terre-neuviennes. Des bateaux de France, du
Portugal et de l’Espagne suivaient le même rituel du printemps à
l’automne. Des rapports français font un compte-rendu intéressant des
méthodes utilisées par les navires de cette nation.
En 1848, près de 150 bateaux
français furent équipés pour la pêche terre-neuvienne. L’historien
français Robert de Loture rapporte qu’au cours des années suivantes, la
méthode de pêche impliquait l’attachement de plusieurs barils de chaque
côté du navire, avec un homme dans chaque baril. Couvert d’un
« cuirier » ou d’une grande cape de cuire, on lui donnait une ligne
forte, de 4 mm de diamètre, 100 toises de long, avec un poids de 8 à 10
livres. Au début de la saison, chaque homme était équipé de 10 à 12
lignes comme de ce genre en plus des plombs et des crochets. Pêchant à
partir des barils, les hommes tiraient rapidement quand ils sentaient
quelque chose au bout de la ligne et prenaient les poissons par les
bajoues. Ensuite, ils leur coupaient la langue, le poisson était placé
dans une saumure et plus tard, fendu et lancé dans la cale. Là, le
« salier » salait le poisson pour la première fois. Quelques jours plus
tard, on le salait à nouveau avant de le mettre de coté.
D’après de Loture, tous les hommes
pêchaient jusqu’à la noirceur et ensuite apportaient à un officier les
langues qu’ils avaient coupé au cours de la journée. Le nombre de langue
par homme était écrit dans le livre de comptes et ceux avec le moins de
langues avaient l’honneur de brosser les ponts du navire.
Au début du 19e siècle,
bon nombre de pays ont laissé cette méthode de pêche immobile pour
utiliser des palangres. Chaque navire apportait deux ou trois chaloupes
aux Grand Banks et celles-ci transportaient chacune plusieurs hommes.
Chaque homme était équipé de lignes d’environ 60 toises de longueur. Les
lignes étaient lancées et tirées, avec les plus petits bateaux quittant
le navire principal chaque matin et y revenant chaque soir.
Par 1875, tous les pays avaient
abandonné cette méthode en faveur de la pêche au doris, une technique
utilisée par les terre-neuviens jusqu’à la fin des années quarante.
Chaque goélette transportait de 8 à 18 doris, et utilisait l’une des
deux méthodes de pêche. Les palangriers utilisaient les goélettes comme
base flottante avec les hommes des doris quittant le navire autour de
2h00 chaque matin, s’occupant jusqu’à tard le soir. Les prises étaient
fendues et salées à bord de la goélette et, plus tard, apportées au port
pour être séchées.
L’autre méthode utilisée était la
palangre. Le Français de Loture note que l’équipage à bord des navires,
à leur arrivée aux Grand Banks au printemps, se rendaient immédiatement
à leur doris pour aller attraper du poisson comme appât. Quoique du
hareng salé, du capelan et de la pieuvre étaient utilisés, les français
préféraient les « buccinus, » qui étaient de grands bigorneaux.
Lorsqu’ils avaient suffisamment d’appât, la pêche commençait avec les
premières palangres posées autour de 5h00.
« Se rendant à son secteur
assigné, l’homme en tête des doris arrive, à l’aide de voile ou de rame,
l’endroit où il ancre un bout de la palangre, indiqué par une bouée
attachée à la ligne d’ancre, » rapporte de Loture. « Ensuite, il lance
ses lignes, faisant attention par peur de pénalité d’aller avec ou à
travers le courant mais jamais dans le courant. Arrivant à l’autre
extrémité du chalut, il jette l’autre ancre avec sa bouée attachée. »
Normalement, ça prenait environ deux heures pour poser le chalut et le
doris y retournait plus tard pour tirer le chalut, un processus qui
prenait de trois à cinq heures. Le poisson était apporté au navire
principal et salé.
Rear Admiral Pullen, dans son
livre « Life on a Banker » (La vie sur un navire dans les Grand
Banks,) écrit que les hommes qui pêchaient au chalut dans les Grand
Banks dormaient dans un petit gaillard avant qui servait également de
cantine et de galère, alors que le capitaine avait sa propre cabine à
l’arrière. Les hommes portaient des lourdes bottes de cuire qui leur
montaient jusqu’aux genoux et des peaux d’huile faites de coton non
blanchi traité à l’huile de lin. Tandis que les hommes pêchaient à
partir de leurs doris, le capitaine et le cuisinier demeuraient à bord,
le capitaine gardant le navire face au vent, sous des voiles réduites.
Quand les doris revenaient des chaluts, les hommes lançaient le poisson
à bord de la goélette.
Les goélettes ont survécu sur les
Grand Banks jusqu’aux années quarante et il reste plusieurs hommes en
vie encore aujourd’hui qui se souviennent de leurs jours sur les « bankers. »
Les goélettes venaient de toutes les formes et toutes les dimensions, de
petits bateaux à deux mâts à des géants à sept mâts utilisés pour le
commerce international. L’époque entre 1860 et 1890 fut la plus prospère
pour les grands gréés carrés mais, en comparaison, la simplicité et
l’habileté à affronter le vent de la goélette à deux mâts ont remplacés
les gréés carrés vers la fin du siècle.
Aucun navire ne s’identifie mieux
à Terre-Neuve que la goélette mais, la construction régionale n’a pas
commencée avant le début du siècle – peut-être dû au développement lent
de Terre-Neuve et de ses liens fermes avec l’Angleterre. Au lieu de
construire les leurs, les marchants de navires les commandaient de
l’Angleterre ou de la Nouvelle-Écosse. D’après des rapports, les
premières goélettes n’ont pas été construites à Terre-Neuve avant 1901.
Cette année-là, deux goélettes ont été construites, l’une à Burnt Bay et
l’autre à Burgeo.
Shannon Ryan écrit dans « The
Newfoundland Cod Fishery in the 19th Century » (La pêche à la morue de
Terre-Neuve au 19e siècle) que la pêche au Labrador a atteint
son apogée vers la fin du 19e siècle, avec 330 navires s’y
rendant en 1889 et attrapant plus de 230,000 quintaux de poisson. Dans
les rapports de Sir William McGregor de 1907, on apprend que quelques
400 goélettes en provenance des baies Trinity et Conception ont
naviguées jusqu’au Labrador en 1893.
Avec une flotte de cette grosseur
à la recherche de poisson, il n’est pas surprenant que les pêcheries
labradoriennes aient diminué aussi rapidement. Ce déclin fut suivit par
la crise économique de 1894 que Shannon Ryan dit qui s’est produite due
au nombre croissant de gens dépendant de la pêche à la morue, en plus du
déclin de la chasse au phoque et le manque de diversité dans l’économie.
C’est à ce temps-là que la flotte terre-neuvienne a commencé à retourner
aux pêches aux Grand Banks.
Par le début des années 1900,
Terre-Neuve était fortement impliquée dans le commerce du poisson salé,
avec des goélettes transportant les prises du Labrador et des Grand
Banks vers le Brésil, le Portugal, l’Espagne et les Antilles Anglaises.
Pour répondre à la demande de poisson salé, les constructeurs de la
place ont commencé à bâtir à toute vitesse. Seulement en 1918, quatorze
terns, ou goélettes à trois mâts, furent construites à
Terre-Neuve et par 1920, quelques cent cinquante goélettes
terre-neuviennes bâties ici et ailleurs échangeaient en Afrique du Sud,
en Europe et des les Antilles Anglaises avec leurs cales pleines de
poisson salé. Par contre, John Parker, dans son livre « Sails of the
Maritime » (Voiles des Maritimes,) dit que les coûts de construction
élevés faisaient en sorte que plusieurs goélettes étaient incapables de
rembourser justement les propriétaires pour leurs investissements.
Des problèmes autres que les coûts
élevés tourmentaient la flotte construite à Terre-Neuve. Parker accuse
que plusieurs d’entre elles étaient de piètre qualité, étant de
conception légère, pauvrement faites et bâties de bois vert, qui pourrit
en quelques années à peine. En plus, « il n’y a aucun doute que
plusieurs étaient surchargés gravement en service, » écrit Parker,
« spécialement dans le commerce du poisson salé, plusieurs furent
durement affectés peu après leur mise à l’eau. »
Les matériaux intérieurs, de
pauvres fixations et les surcharges au point à les abîmer… est-ce
surprenant qu’une compagnie perde un ou deux navires par saison?
La perte incroyable de navires au
cours de la Première Guerre mondiale a aidé à munir les constructeurs
navals de travail, spécialement lorsque les coûts de la guerre
prévenaient les nations du monde de s’embarquer dans de grands
programmes de construction navale.
Quoi que la goélette soit demeurée
essentiellement pareille au cours de cette période, le monde avait
commencé à changer et la colonie de Terre-Neuve n’y fut pas exception.
L’ouverture des mines de fer de Bell Island en 1895 et l’arrivée des
deux premières usines à papier au début des années vingt voulait dire
que l’île ne dépendait plus entièrement sur les pêcheries, côtière et
littorale, pour survivre.
Par contre, quelque chose ne
change pas face à tous ces changements. Alors que les draggers
ont remplacés les bankers, et que le poisson frais a remplacé, en
grande partie, le poisson salé, la pêche littorale des Grand Banks et
du Labrador est encore à ce jour un facteur crucial dans la santé
économique de Terre-Neuve.
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